Le plus difficile n'est pas d'être ou d'entrer dans un hôpital, mais d'en sortir. Techniquement, le manque de places et de moyens dans ces structures entraîne une politique stricte qui vise à garder le moins longtemps un patient. Donc en principe, dès les premiers signes d'amélioration de notre santé, la délivrance s'envisage.
Néanmoins, le soulagement n'est que physique. Notre esprit demeure emprisonné suite à la sortie de l'hôpital.
Je crois d'ailleurs qu'il est systématique de ressentir de l'amertume en quittant ces lieux, éprouver un sentiment de béatitude parait en effet impossible. Parce qu'en dépit de l'amélioration de notre état, le dégout des traitements est semblable à la sensation d'échec.
Le choc de la sortie est excessivement intense et multiple: d'abord nous sommes choqués de passer d'un univers tout en blanc à la vivacité des couleurs, d'un univers bruyant et débordé au calme du repos, mais surtout du confinement à l'espace infini. Puis nous sommes accablés en constatant que notre vie s'est arrêtée alors que l'existence générale n'a cessé d'évoluer durant notre absence.
S'élève l'objectif monumental de rattraper ce temps perdu, de se réadapter à cette société en mouvement, de redevenir quelqu'un comme tout le monde.
S'insérer dans la banalité représente un effort à l'apparence infranchissable lorsque, affaiblis, nous laissons l'hôpital auquel nous étions habitués.
Il faut apprendre à se reconstruire malgré les soins nous ayant abattus. S'obliger à se mélanger de nouveau à la foule, sourire, soigner son image et oublier ses douleurs. S'habiller, se coiffer, se maquiller, chaque geste courant se transforme en un instant de plaisir. Le goût de la vie renaît alors dans les moments de simplicités, ceux qui ne nous procuraient plus aucune émotion auparavant.
Nous pensons avoir vécu l'insurmontable, mais une fois confrontés à la liberté, rassembler ses dernières forces afin de se rétablir représente une immense difficulté. Désormais, nous cotôyons des personnes qui ne peuvent en rien comprendre l'épreuve qui nous afflige, tout en l'ignorant. Nous tentons d'accorder à nouveau notre confiance quand celle-ci a été ternie par le mépris et les blessures.
Nous étions des patients endoloris puis nous devenons des impatients consolables. A la recherche du soleil, notre attitude se rapproche de celle d'une fleur fermée qui ne demande qu'à éclore à nouveau.
L'experience hospitalière nous inculque le perpétuel recommencement de la vie.